Je me souviens de ce jour comme si c’était hier. Nous allions à l’école secondaire de mon fils pour l’inscription administrative. Il marchait loin de nous. Dans la file d’attente, il était impossible d’avoir une discussion sans que cela le gène.
Ma fille, qui était encore au primaire à ce moment-là, était estomaquée du comportement de son frère. Elle m’a dit : « tu sais maman, je ne ferai jamais ça, moi. Je vais toujours vouloir être avec toi et je vais toujours vouloir te faire des câlins ». Je l’ai regardé avec un grand sourire, sachant très bien, au fond de moi, qu’il n’en serait pas toujours ainsi. Et c’est parfaitement normal, puisque cela fait partie du développement sain de l’adolescent. Au fil du temps, ils acquièrent de l’autonomie et réclament de plus en plus leurs indépendances. Ils ont besoin d’agrandir leurs sentiments d’appartenance, mais cette fois-ci, avec leurs amis. Tout ça, je le savais parfaitement… Avec ma tête.
Une fois les premiers mois passés, ils se sont fait de nouveaux repères et les changements ont commencé. Depuis leurs entrées au secondaire, j’ai vu mes enfants lever les yeux au ciel comme jamais. Je les ai vus gênés lorsque je racontais des blagues devant leurs amis, entendus me dire que je ne comprenais rien, vus parler, parler et encore parler à des amis. Enfin, je les ai vus se soucier de leurs apparences, parler d’amour et utiliser un langage que nous n’avons pas à la maison.
Rapidement, les héros sont devenus les amis. La recherche de leurs styles s’est installée et leurs attitudes ont changé. Les moments seuls dans leurs chambres ont commencé à se faire de plus en plus fréquents. Et c’est normal. Pour eux, ils entrent dans le monde des grands et ils sentent une certaine liberté. Cette liberté est tout aussi excitante qu’anxiogène pour eux. C’est donc important, en tant que parent, de se le rappeler constamment.
C’est une fois les portes du secondaire refermées sur eux que j’ai réalisé que, tout ce temps à préparer mes enfants vers cette autonomie, j’avais oublié quelque chose d’important; me préparer moi-même comme parent. Je n’avais pas mesuré ce que cet envol aurait comme effet dans mon cœur de maman. J’ai vécu une intensité d’émotions devant ces changements et il a fallu que je prenne un temps de recul. L’exploration et la nouveauté sont là, sous leurs yeux. Même si, par moment, je me sens dépassée moi aussi devant toute cette nouveauté, je sais au fond de moi que je dois rester là à continuer d’accompagner mes enfants dans leurs vies. Je sais que ma présence, ma constance et la discipline que nous leur imposons les rassurent et les aident à grandir sainement.
En tant que parent, je sais que mes enfants ont encore besoin de moi, mais de façon différente. Et c’est avec ces changements que j’ai eu besoin de me familiariser. Les outils fournis depuis leurs naissances, ils les testeront, ils les mettront de côté pour, peut-être, en essayer de nouveau. Ils exploreront selon leurs envies et selon ce qu’ils découvriront de nouveau. Ils auront envie de prendre des décisions par eux-mêmes, ils se laisseront influencer aussi.
Je sais aussi que mes paroles ont beaucoup plus d’impact lorsque je parle de prévention plutôt que de mises en garde.
Outiller et encadrer mes enfants dans l’utilisation des réseaux sociaux plutôt que de les sermonner et leur dire que ce n’est pas bon; m’assurer qu’ils ont un adulte significatif autour d’eux vers qui ils pourront se tourner si le besoin se fait sentir; cultiver la confiance à travers le respect des consignes plutôt que de les critiquer sans cesse. Accepter de ne plus être le centre de leur univers. Ils ont besoin de ça pour se construire.
En tant que parents, nous devons, plus que tout, continuer à fournir un cadre malgré les résistances. Nous devons leur faire confiance et faire confiance à la base que nous leur avons transmise.
L’adolescence est une période qui commence parfois vite derrière les murs des écoles. C’est le début d’une aventure riche et exaltante avec ses hauts et ses bas. Mais avec de l’ouverture, une bonne communication, du respect, du soutien et de l’amour, nous pouvons tous traverser cette période de vie de façon constructive. Enfants et parents, nous poursuivons notre route avec de nouveaux points de repères. Il suffit de se laisser un peu de temps et d’être bienveillant envers nos jeunes et nous-mêmes.